Il existe en Inde un modèle de sac en tissu, résistant, joli et de bonne fabrication, ce sac se négocie autour de 30 roupies en Inde, soit environ 50 centimes d’euros.
J’ai été surpris de voir une amie revenir d’Inde avec près de 20 unités de ce sac, mais elle m’a expliquée que de nombreuses personnes lui avaient en fait ‘commandé’.
En effet, ce même sac est devenu un véritable accessoire de mode, et se trouve dans des boutiques spécialisées à Paris, ou il se vend pour la modique somme de …30 Euros, 60 fois plus qu’en Inde.
Au regard du prix du fret, on peut d’emblée négliger le surcoût dû au transport, qui en tout état de cause ne dépassera pas quelques centimes d’euros.
Il est vrai qu’a partir du moment ou le sac devient un accessoire de mode, son utilité économique augmente, et est supérieure en France par rapport à l’Inde, ou le sac est uniquement fonctionnel.
Si cette différence de l’utilité justifie un surcoût certain, il n’empêche que même avant cet ‘effet de mode’, le même sac se vendait déjà en France entre 20 et 30 fois sont prix indien.
Je rappelle ici que le capitalisme qui gouverne notre jolie planète suppose notamment que le prix d’équilibre d’un bien soit celui qui égalise la demande et l’offre de ce produit.
Il est clair dans cette exemple que la demande pour ce sac est plus élevé Avenue Montaigne que dans les rues de Bombay ; cela s’explique tristement mais facilement ;
Le revenu moyen par habitant est de 23000 euros à Paris, soit environ 50 fois supérieur à celui de l’Inde, le fait que le prix du sac soit entre 20 et 60 fois supérieur devient logique.
Cela implique une autre vérité ; la composante du prix correspondant à son coût de fabrication, devient négligeable dès lors que le bien est vendu dans un pays ou le revenu moyen par habitant est supérieur à celui du pays de fabrication du bien.
Dans le prix de fabrication, est inclus à la fois le prix du travail des employés mais aussi le prix du capital des machines et des locaux nécessaires à la conception et à la fabrication du produit. Les 30 roupies du prix du sac en Inde rémunèrent donc déjà du capital et du travail.
Mais que penser des 29.50 euros de marge entre Paris et l’Inde, que rémunèrent-ils ? Du travail, à travers le salaire de la vendeuse du magasin et du capital à travers l’investissement fait dans l’achat de ces sacs, leur transport, et le loyer de la boutique parisienne.
Ce qui est choquant, c’est que sur le prix parisien, 1.7% seulement correspond au prix de fabrication, et 98.3 % à la marge. Dans le vrai capitalisme, les fabricants devraient réclamer des rémunérations supérieures, que ce soit pour leurs ouvriers ou pour leurs machines. Mais la réalité du prix local les en empêche : ils s’ajustent à ce prix là. Dans le vrai capitalisme, on devrait voir des usines fabricants ces sacs s’installer en France, puisque même en France, le prix de revient serait inférieur à 30 euros, mais la réalité de libre circulation des biens l’empêche. L’acheteur peut choisir indifféremment l’usine dans le monde auprès de laquelle il va se fournir, le coût du transport étant comme on l’a vu négligeable.
On retombe sur le hiatus terrible du système actuel, les biens voyagent indifféremment et leur coût de fabrication est donc minimisé en fonction du coût du travail des pays. Les personnes sont elles attachées à un pays, et à un revenu, et les prix qu’ils acceptent de payer sont proportionnels à leur pouvoir d’achat.
Plus on vit dans un pays à revenu élevé, plus le prix payé contient de marge par rapport au coût de fabrication.
Ceci vaut particulièrement pour les biens type ménager, habillement, et dans une grande mesure agroalimentaire : on couvre donc la grande partie des dépenses du panier de la ménagère. Le consommateur, quel que soit son pays paye toujours aussi cher en relatif (en proportion de son revenu). Les machines et les employés des fabricants sont rémunérés au plus bas, puisque la concurrence et la libre circulation s’applique aux biens qu’ils conçoivent et fabriquent. Qui donc récolte la marge ?
*Un ou deux grands patrons en Inde ou en Chine, qui sont propriétaires de conglomérats d’usines et proches du pouvoir, et qui grâce aux énormes volumes générés par la production de leurs usines deviennent très riches, seuls au milieu de l’océan de leurs pauvres employés.
*Quelques intermédiaires, grossistes, patrons de multinationales qui capturent l’essentiel de la marge entre le coût de fabrication et le prix de vente final.
Une fois de plus, les grandes entreprises (je pense ici à Nike, Danone, H&M, ou Unilever) sont les agents économiques qui sont les grands gagnants du système économique actuel, sans parler des grandes institutions financières (cf ‘A qui profite la réanimation du système économique’).
Malheureusement, si les solutions pour ‘curer’ la finance mondiale me semblent atteignables, en laissant faire les faillites, et nécessitent ‘uniquement’ une volonté politique, celles pour palier à ce problème de formation des prix me semblent beaucoup plus difficiles.. Il faudrait en fait…un ajustement des coûts de production sur la planète terre, qui passerait nécessairement par un ajustement des salaires.
Qui parle de révolution ?