Pour que notre économie devienne une autre économie.

Pour que notre économie devienne une autre économie

Dans ce blog, j'essaye d'apporter un éclairage différent sur l'analyse des politiques économiques menées actuellement, et plus particulièrement depuis 2007.
J'insiste particulièrement sur le dogme du 'Too Big to Fail' des banques, qui justifie d'une part des aides financières massives de la puissance publique et d'autre part un changement majeur des règles comptables utilisées.
Au final, après avoir poussé le systèmes dans ses limites, les banques sont les principales bénéficiaires de son maintien en vie, alors même que l'économie réelle souffre toujours plus (chômage croissant et baisse du pouvoir d'achat)!!

lundi 15 août 2011

Rigueur budgétaire et souplesse monétaire; Il faut faire le contraire!

Les constats connus de tous:

* La richesse mondiale continue de croitre régulièrement, mais avec un creusement des inégalités riches pauvres: Le coefficient de Gini qui mesure l'écart de répartition des richesses entre les riches et les pauvres augmente partout dans le monde, même en Chine!
Pour mémoire, le développement économique d'un pays passe par l'émergence et l'enrichissement d'une classe moyenne qui fait diminuer ce coefficient; c'était le cas pendant les '30 Glorieuses' ou lors de avènement économique du Japon de l'après guerre ou des dragons asiatiques dans années 80. Or, même en Chine, on observe pas ce phénomène: en effet, après avoir créé 200 millions de citadins 'nouveaux riches', l'empire du milieu peine à enrichir sa population rurale, qui reste pauvre, et massivement impactée par l'inflation des matières premières et des prix des ressources de première necéssité.

L'augmentation nominal de la richesse et du PIB mondial cache donc une 'tiermondisation' et une paupérisation du globe, dans toutes les régions.

*Les taux d'intérêts maintenus à des niveaux proche de zéro par les principales banques centrales de la planète contribuent à entretenir un endettement galopant de la part des institutions financières et des banques ayant accès à ce crédit gratuit: cette dette toujours plus grosse est ensuite orientée dans des investissements non productifs dans des objectifs de gains 'court termistes' de type spéculatif, qui vont faire grimper les prix artificiellement des matières premières et de l'immobilier.

Le diagnostic est clair, appauvrissement de la population et Inflation; c'est la STAGFLATION.

La solution des dirigeants en terme de politique économique peut paraître surprenante; ils maintiennent les taux nuls et mettent en place des politiques de rigueur budgétaire!! C'est aggraver la situation, c'est jeter de l'huile sur le feu!

Il faudrait faire exactement le contraire: Augmenter les taux d'intérêt et relancer la croissance avec de la politique de relance budgétaire qui permettrait de réorienter les investissements spéculatifs court terme vers des investissements productifs long terme.

J'entends d'ici les critiques: Comment! augmenter encore la dette publique, creuser les déficits budgétaires? mais ca n'est pas sérieux, vous n'y pensez pas?
Laissez moi répondre brièvement en rappelant des vérités de chiffres clairs.

Sur le plan mondial, il n'est pas clair que la dette publique soit supérieure à la dette privée, elles sont probablement assez proches (autour de 50 trilliards de dollars); en effet le PIB mondial étant de 57 trilliards, il est peu probable que la dette publique mondiale soit supérieure à  ce chiffre. La Chine par exemple n'est pas du tout endettée et les pays très endettés (USA, France, Italie le sont a hauteur d'environ 100 % de leur PIB).
De plus, rappelons que beaucoup de dettes privés bancaires ont été nationalisées depuis 2008. 

L'explosion et l'absence de contrôle de la  dette privé est beaucoup plus inquiétante que pour la dette publique.

Restons dans l'actualité :

Coté public, l'Italie vient de voter un plan d'austérité censé économiser 45 milliards d'euros.
Coté privé, la Société Générale seule a dans ses actifs près de 30 milliards de 'mauvais actifs', qu'elle ne peut pas comptabiliser en valeur de marché sous peine de faillite immédiate (cf mes articles précédents sur les méthodes comptables).
Aujourd'hui, la même Société Générale a un bilan qui pèse 1000 milliards d'euros!! pour seulement 20 milliards de capitaux propres, soit un levier de 50!! Si sur les 1000 milliards d'engagement pris, une perte de 2 % doit être prise, la banque sera en faillite. Maintenir des taux à 0 % pousse les banques à prendre des risques  et a augmenter ces ratios de fou!

Quelle est l'urgence?? réduire les déficits publics alors que le chômage est partout ou réduire ces bulles financières en augmentant les taux d'intérêt (ce qui du même coup redonnera du pouvoir d'achat aux consommateurs en faisant baisser le prix de certains actifs' bullesques').

La taille des engagements au bilan des seules Société Générale et BNP Paribas en France représentent 3000 Milliards d'euros, soit 2 fois le PIB du pays. Pour mémoire, les recettes fiscales de la France sont de 250 milliards d'euros..On marche sur la tête.

Selon moi, il faut nationaliser les activités de dépôt des banques ( qui ne peuvent pas faire faillite), ces parties ne représente qu'une minorité des engagements de la banque, et une infime partie de leurs risques.
 Il faut laisser les autres partie de la banque (banques d'investissements) assumer leur risque, et faire faillite le cas échéant, et cesser de les inciter a 'véroler' le système en leur offrant de l'argent gratuit.
Dommage, Bernanke vient d'en remettre une couche en promettant des taux zéro jusqu'à mi 2013 au moins..

Qui veut parler de ça pendant les campagnes présidentielles américaines ou françaises de 2012?

Bernanke devrait lire les rapports de la BIS (Bank of International Settlements)

La BIS ou BRI en francais (Banque des Règlements Internationaux) a publié fin Juin son rapport annuel.
Les conclusions dudit rapport de cet organisme supranational, souvent considéré comme la banque centrale des banques centrales sont selon moi essentielles car elles vont à l'encontre de la pensée unique des dirigeants des banques centrales et des gouvernements actuels.

En effet, alors que nos dirigeants continuent a subventionner un secteur financier, le gonflement des bilans des banques, les bulles spéculatives immobilières, et pire des matières premières, à travers une politique de taux nuls, la BRI reconnait une inflation galopante et inquiétante, notamment dans les pays émergents, et plus particulièrement en Chine, et mets en garde contre les conséquences de taux d'intérêts maintenus trop bas pendant trop longtemps. Malheureusement, et c'est très inquiétant, Bernanke et sa clique ont réagi à la baisse des marchés financiers du dernier mois en promettant des taux nuls jusqu'à au moins mi 2013!! C'est ce qui s'appelle céder à la panique, mais surtout, c'est jeter de l'huile sur le feu..

Ci dessous des extraits choisis du rapport annuel de la BRI; ils sont en Anglais, comme le rapport..


Environment

'Growth in emerging market economies is robust and recovery looks to be on a self sustaining path in the countries that were at the centre of the 2007-2009 crisis. Yet the remaining challenges are enormous -towering debt, global imbalances, extremely low interest rates, unfinished regulatory reform, and financial statistics still too weak to illuminate emerging national and international stresses'

'Many of the challenges facing us today are a direct consequence of a third consecutive year of extremely accomodative financial conditions. Near zero  interest rates in the core advanced  economies increasingly risk a reprise of the distorsions they were originally designed to combat. Surging growth made emerging market economies the initial focus of concern as inflation began rising nearly two years ago. But now, with the arrival of sharper price increases for food, energy and other commodities, inflation has become a global concern.The logical conclusion is that, at the global level, current monetary policy settings are inconsistent with price stability'

                                                              

Global Imbalances

'Emerging market economies managed to escape the worst of the crisis, but many now run the risk of building up imbalances very similar to those seen in advanced economies in the lead-up to the crisis.For example, property prices in a number of emerging market economies are advancing at staggeringly rapid rates, and private esctor indebtness is rising fast. Emerging market policymakers should recognise that the lessons from the financial crisis do not apply only to advanced economies.'

'current account surpluses and deficits are generating large net flows of capital. But a country with large net inflows risks financial instability if its financial sector cannot allocate the new capital efficiently; and it is vulnerable to a sharp and damaging depreciation of its currency if the inflow reverses.....What we need are policies in deficit countries to encourage saving and policies in surplus countries to encourage consumption'

'The domestic financial sector might also struggle to efficiently absorb the financial inflows that are the counterpart to the current account deficit. A failure to allocate these inflows to producive uses is especially likely if financial institutions are not well regulated. The resulting capital misallocation - to real estate lending, for example- might lead to boom-bust cycles and eventually to financial instability.'


Financial institutions

'Shadow banks-entities that perform maturity or liquidity transformation outside the currently regulatory system. They have the potential to generate substantial systemic risk because they can be highly leveraged and engage in significant amounts of maturity transformation while being closely linked to commercial banks'

'Banks ,often Systematically Important Financial Institutions (SIFI), typically generate large profits by sponsoring shadow banking activities to which they have significant direct and indirect exposures, including backup lines of credit and various sorts of credit enhancements. It is exactly that linking of the banking system to the shadows banks, including explicit or implicit guarantees to the holders of shadow bank liabilities, that gives rise to some of the most pernicious financial stability risks. By comparison, mutual funds and hedge funds, although huge in terms of the money involved, pose less off a systemic risk because they are generally less leveraged and have fewer and looser ties to banks.'

'Banks need to have sufficient capital to be able to take losses and write off doubtful assets. The example of Japan in the mid-1990s shows that  unrecognised losses lead to a misallocation of resources, create uncertainty, and thus hinder economic growth. When banks are not forced to write down loans, they are actually provided with incentives to  roll over non-performing loans to firms that should have been bankrupt. In Japan, this contributed to stagnation by preventing restructuring and thus curtailing profit opportunities for healthy firms. It was only after a rigorious examination on banks non performing loan portfolios in 1998 and a secound round of capital infusions that banks in Japan began to lend again.'


Housing and Finance

'Growth during the pre-crisis years was heavily weighted towards finance and construction. In a number of countries, these sectors grew disproportionately to the rest of the economy and now have to shrink. Like most adjsutements, it will be painful in the short run. Not only will this reallocation impose suffering on the people who worked and invested in those sectors, it will weigh on aggregate growth and public revenues as well.'

'The problems plaguing the advanced economies today have their roots in the pre-crisis boom. House prices went up in many countries[ ..]Sharp increases in credit extension to households and corporations fuelled the appreciation in property[...]The housing and credit booms changed the sectorial composition of output. The relative weight of the construction sector  rose in all economies where house prices increased[..]Strong expansion of real estate finance as property prices went up was one factor behind rapid growth of the financial sector during the pre-crisis period.[...] The financial crisis and the Great Depression that followed led to a sharp reversal trends. The construction sector shrank ..but finance did not. The ratio of financial sector assets to GDP continued to go up almost everywhere, in part due to unprecedented public support.'

'Growth in the years before the financial crisis was heavily weighted towards the increasingly bloated construction and financial sectors, and the effect of their prolonged rapid expansion was probably  to reduce growth in the rest of the economy. [..] a massively expanding financial industry would probably make it more difficult for other knowledge-intensive industries to attract highkly skilled labour [..] The cross country evidence indicates that, indeed, the boom in construction and financial intermediation coincided with lower productivity growth in the rest of the economy.'

'Other sectors will have to take over from construction and financial intermediation as the engines of growth.[..]the likely stagnation of construction and finance could liberate ressources for use in other sectors- so long as authorities do not prevent such as reallocation through subsidies or other measures that preserve the satus quo'

                                            
Monetary policy challenges ahead

'Central banks face considerable challenges after a prolonged period of accommodative monetary policies. Global inflation are rising rapidly as commodity prices soar and as the global recovery runs into capacity constraints.'

Inflation Risk..

'The buoyancy of food and commodity prices is closely linked  to the strenght of the global economic recovery, particulary in emerging market economies.
More generally, as long as the demand for food and commodities is supported by robust global growth, their prices may stay elevated or even rise further.'

'Soaring commodity prices have in addition raise concerns about a significant increase in underlying inflation via second round effects. There are clear signs of mounting wage pressures in some major emerging market economies.Moreover, given the globalised nature of many supply chains, undelrying inflation pressures in the advanced economies are affected indirectly by a pickup in unit labour costs in the emerging market economies. As a consequence, advanced economies may see core inflation pick up through the back door of global supply chains despite moderate wage pressures in their domestic labour markets.'

 ' the recent increase in commodity prices may also be related to a search for yield caused by the extraordinarily loose global monetary policy. These considerations call for central banks to take better account of the global side effects of their own monetary policies'


..and Debate over Potential Recovery..

'Projections of structural estimates suggest that the output gap will shrink only slowly and, as a consequence, hold down price pressures for some time. Other measures of the output gap suggest , however, that there may be much less unnused economic capacity in many economies, and, on average, globally.[ ...] It also reflects the possibility that potential output in advanced economies was more adversely affected by the international financial crisis than is commonly thought. In particular, potential output trends may be suffering from high private and public debt, which can have negative effects on consumption and investment prospects. Moreover, large investments  that took place prior to the crisis, in the construction sector, may prove to be much less productive than was originally expected[....]Thus while statistical measures may overestimate the speed of the closure of the output gap, structural models may underestimate it.'

'Inflationary pressures from soaring commodity prices and the possibility of overestimatyed economic slack evoke memories of the 1970s. Then food price which are set in global auction  markets and therefore respond quickly to global demand pressures , were the first to move up, well before the surge in oil prices. What followed was a reinforce spiral of increases in headline inflation and unit labour costs. At the same time, employment rates were reaching new highs, and the apparent opening-up for a large negative output gap during the decade, as then measured by the OECD, indicated considerable slack in the economy. Today, with hindsight, it is clear that conventional measures of economic slack at that time were grossly overestimated. The rise in the unemployment rate was due in  large part to structural changes in labour markets. The slowdown in economic activity was mistakenly attributed to insufficient demand rather than to a substantial slowing of potential output growth.'

...point to the risk of being too low for too long

'These increased upside risks to inflation call for higher policy rates, but in some advanced economies this still needs to be balanced agains the vulnerabilities associated with continuing private and public sector balance sheet adjustments and lingering financial sector fragility.However, the prolonged period of very low interest rates entails the risk of creating serious finacial distorsions, misallocations of ressources and delay in the necessary deleveraging in those advanced countries most affected by the crisis. Moreover , some emerging market economies show signs of a renewed build up of financial imbalances.'

Tighter global monetary policy is needed in order to contain inflation pressures and ward off financial stability risks. It is also crucial if central banks are to preserve their hard-won inflation fighting credibility, which is particularly important now, when high public and private esctor debt may be perceived as constraining the ability of central banks to maintain price stability. Central banks may have to be prepared to raise policy rates at a faster pace than in prevoious tightening episodes'


mardi 15 février 2011

L'actualité de Marx ou la Schizophrénie Economique


Ce poste constitue la fin d’un cycle sur ce Blog, la preuve a été faite dans les articles précédents du soutien dogmatique des autorités publiques au secteur bancaire (voir notamment le premier article publié en Septembre 2010 ‘A qui profite la réanimation du système économique ?’ et ‘La monnaie virtuelle qui nous fait vivre’ publié en Janvier 2011). 

Les constats suivants sont connus de tous :

 La création monétaire et l’inflation, liées notamment à la ‘monétisation’ des créances immobilières, échappent totalement aux banques centrales censées les contrôler.  

2° Les banques commerciales d’investissement ont largement profités de ce phénomène, mais auraient du faire massivement faillite suite à la l’ajustement de 2008.

3° Les banques ont été sauvées en 2008, par volonté politique et uniquement grâce à un changement ex-nihilo des règles comptables, permettant d’étaler dans le temps leurs pertes colossales, au lieu de les comptabiliser tout de suite.

4° Les profits à court terme des banques, nécessaires pour éponger leurs pertes ‘étalées’ à long terme sont soutenus grâce à des taux d’intérêt au plus bas.

5° Ces taux d’intérêt artificiellement bas entretiennent l’inflation, notamment immobilière, etc..

Les banques voient leur taille augmenter en terme de capitalisation et de bilan, et diminuer en nombre, la concentration s’accélère. La concentration est également visible dans la grande majorité des secteurs économiques : Distribution, Automobile, Agro-alimentaire, Transport, Energie..

Le rapport entre le revenu minimum des 10% les plus riches et le revenu maximum des 10% les plus pauvres qui diminuait depuis 1945, s’est remis à croitre depuis 15 ans.                                    

Difficile de na pas évoquer l’actualité des théories de Marx : la concentration toujours plus grande des forces de production entre les mains de quelques uns toujours moins nombreux contredit la libre concurrence et la théorie d’efficience des prix.Les énormes oligopoles dominent la production mondiale, et fixent les prix pour maximiser leurs profits. Les salaires stagnent  et le chômage est au plus haut.

Si les individus sont des prolétaires exploités dans la mesure où  leur salaire (revenus du travail au sens large) leur procure toujours moins de pouvoir d’achat, ils sont également des capitalistes, s’enrichissant grâce à l’inflation de leur patrimoine immobilier. Du point de vue de la richesse nette, les propriétaires y trouvent leur compte, et cela durera tant que les prix immobiliers monteront.

Chaque individu, dès lors qu’il est en même temps travailleur (ou retraité)  et propriétaire devient un schizophrène économique au sens des théories de Marx ; que faire entre se battre pour un salaire ou une pension plus juste, et défendre un patrimoine immobilier dont la valeur ne cesse d’augmenter?

Le prolétaire désire plus de salaire et des taux plus haut pour lui rendre du pouvoir d’achat en faisant baisser les prix, le propriétaire souhaite que les taux demeurent faibles pour ne pas amputer la valeur de son patrimoine. Que choisir entre la défense de la valeur ajoutée du travail et l’entretien d’une bulle spéculative ?

Le système économique a de quoi nous rendre fou, au sens psychiatrique, il nous donne deux réalités opposés à vivre, et donc deux comportements opposés à choisir selon la réalité qui nous apparaît. 
Nous sommes des schizophrènes économiques.

jeudi 20 janvier 2011

'la monnaie virtuelle qui nous fait vivre'

Cette article est constitué principalement de citations  du livre publié en Décembre 2010 par Jean-François Serval et Jean-Pascal Tranié aux éditions Eyrolles (préface Christine Lagarde), et s’intitulant ‘La monnaie virtuelle qui nous fait vivre’ (sous titre :’L’économie à l’épreuve de l’innovation financière’). Tous les passages du livre sont notés en italique.Cet ouvrage est d’une densité extraordinaire et je ne saurai que trop le recommander, il apporte un éclairage nouveau sur la crise récente, en insistant notamment sur  le rôle des normes comptables.
Il décrit parfaitement le fait que les autorités de régulation monétaire que sont les banques centrales, ont perdu tout contrôle sur le mécanisme de création monétaire, en ne prenant pas en compte les gonflements patrimoniaux privés  (via notamment l’explosion de la taille des bilans des entreprises en général, et des banques et assurances en particulier).
Les patrimoines, rendus liquides et échangeables grâce à la titrisation des actifs et aux contrats de garantie CDS, ont par le biais de la réévaluation en valeur de marché augmenté les actifs des ménages et des entreprises, leur permettant d’accroître leur endettement en contrepartie, provoquant  un gonflement de la masse monétaire en circulation et une hausse de l’inflation réelle, bien que niée par les dogmes et les outils de mesure dépassés des banquiers centraux.
Cette bulle de prix, notamment immobilière a crevé en 2007-2008, mais la réévaluation en valeur de marché a été suspendue en septembre 2008 pour éviter la mise en faillite de gros établissements financiers que l’ajustement des prix à la qualité des gages initiaux aurait du provoquer. Ces établissements ont été sauvés parce que les autorités considèrent que leurs faillites créeraient une crise systémique.
Au final, les pertes réelles des banques et assurances fautives ont été étalées dans le temps grâce à un changement de règle comptable, et ces établissements voient leurs profits à court terme exploser grâce aux politiques de taux quasi nuls : d’une part l’effet déflationniste que la crise aurait du avoir a été stoppé et d’autre part, les taux ont encore été baissés pour tenter de remettre a flot des établissements dont les pertes à prendre  sont encore mal connues  et probablement colossales.
Les auteurs du livre étudié ici proposent pour éviter un nouveau dérapage incontrôlé de nombreuses réformes, visant notamment la mesure des masses monétaires en circulation et de l’inflation, et la refonte globale des règles de valorisations  comptable des instruments financiers.
En attendant, ils reconnaissent que  aujourd’hui, rien n’a changé, et que les banques et autres assurances, bien que soutenues massivement par les autorités publiques, continuent à agir en dehors de tout contrôle réel, et sont les principales bénéficiaires des taux anormalement bas , maximisant leurs profits à court terme et rémunérant actionnaires  et traders.Les taux sont trop bas compte tenu des bulles inflationnistes sur les matières premières et l’immobilier, mais ces taux ne peuvent être remontés sans voir ressurgir le risque de faillites bancaires massives (les pertes à long terme des banques non encore comptabilisées, ne seraient plus compensées par des gains opérationnels de transformation à court terme).
Encore une fois l’analogie médicale est excellente ; on a relancé le coeur du système en 2008, mais il fonctionne de moins en moins bien, et cela coûte de plus en plus cher. 
Ainsi, le maintien du système en vie profite aux agents qui l’ont poussé à ses limites !!
Au cas où le lecteur ne se sentirait pas la force ou le temps de continuer cette lecture fastidieuse, je le laisserai  là avec le passage suivant de l’ouvrage : 
Le 30 Septembre 2008, la SEC et le FASB assouplissaient la règle comptable imposant d’évaluer les instruments financiers dans les bilans à leur valeur de marché et autorisaient le passage au mark to model. Le 15 octobre, le règlement CE 1004-2008 relatif à l’IAS n°39 et l’IFRS n°7 autorisait lui aussi le reclassement des instruments financiers ne faisant pas l’objet d’un marché actif et donc devenus impossibles à valoriser [..]les normes imposent aux entreprises pour l’évaluation de leurs actifs des valeurs qui ne sont pas celles de leurs décisions économiques [..] Cette forme de collectivisation des entreprises au sein d’un système macroéconomique global, aurait pu entraîner une cascade de faillites en chaîne du fait de la chute brutale des valeurs de marché dans les bilans des banques et des assurances à l’automne 2008. Heureusement, le 15 Octobre 2008, sous la pression des gouvernements, la norme comptable a été décrochée’
Ces changements de règles comptables constituent effectivement un point crucial dans l’appréhension de l’économie actuelle.
Pour ma part, je doute qu’il soit effectivement ‘heureux’ que les banques et assurances aient été sauvés de la faillite par un changement de règle ex-nihilo (qui peut s’apparenter à une ‘arnaque comptable’), et que ces agents soient considérés comme ‘Too big to Fail’, principe au nom duquel on nationalise leurs pertes alors que leurs profits demeurent privés. Personnellement, je recommande la nationalisation de toute institution bénéficiant d’une garantie explicite de l’Etat (cela impliquerait une segmentation des banques).
Les auteurs n’envisagent pas une réforme bancaire en tant que tel (comme une séparation formelle banque de dépôt/banque d’investissement). Pourtant, les métiers et les risques portés sont trop différents pour être supportés par une même structure capitalistique, et par une même garantie publique. D’une manière générale, le blanc seing donné aux banques par les autorités publiques  est insupportable.
Le dépassement des autorités politiques monétaires, juridiques et comptables  par des entreprises et des capitaux concentrés et transnationaux me semble rendre bien improbable la mise en application des réformes préconisées par les auteurs (par ailleurs fortes a -propos).
Dans ce contexte, et contrairement aux auteurs, j’aurais préféré qu’on laisse faire les faillites.

1     Toile de Fond
 Depuis 20 ans, nous assistons à l’émergence de progrès technologiques majeurs (informatique, téléphone, Internet) et à une délocalisation massive des capacités industrielles des grandes zones de consommation (en Europe et aux Etats-Unis ou le taux d’utilisation des capacités industrielles atteint 71.4% en Juin 2010, très inférieur à la moyenne de 80.8% enregistrée depuis 1948) vers les zones de production à bas coût.
Ces deux phénomènes sont par nature déflationnistes, puisqu’ils apportent des gains de productivité et des baisses de coûts. S’ils ont amené de la croissance en terme de PIB, ils ont été destructeurs d’emplois dans les pays riches. ‘Le développement inexorable des entreprises de la high tech dans l’ensemble du monde ne compensent pas l’emploi de l’industrie manufacturière : 80 000 salariés chez Microsoft, 35000 chez Apple, 23000 chez Google (fin septembre 2010), tandis que General Motors passait de 618000 en 1980 à 110000 en 2008..’
L’absence d’inflation sur les prix à la production a justifié pour les banques centrales une baisse des taux continue depuis 30 ans pour tendre vers 0% aujourd’hui. Cette baisse des taux a favorisé un  endettement massif de la part de tous les agents économiques. Ainsi l’Endettement Intérieur Brut (EIT), indicateur fournit par la Banque de France, regroupe tous les crédits aux entreprises, aux administrations publiques et aux ménages provenant aussi bien du système bancaire que des marchés financiers. ‘L’endettement des ménages est passé de 21 à 54 % du PIB et l’endettement total de 94 à 208% sur la période 1980-2010’. La dette brute cumulée des ménages, entreprises et états atteint  fin 2010 180% en Allemagne, 191% dans la zone euro, 280% aux Etats-Unis et 315% au Japon.
Ces totaux ne correspondent pas à une consolidation des trois catégories, car les ménages peuvent souscrire à la dette publique nationale (ce qui est massivement le cas au Japon par exemple), ils constituent néanmoins un bon indicateur du risque.
Si on s’intéresse plus spécifiquement aux entreprises, l’explosion de l’endettement permise par une baisse continue des taux d’intérêts à provoqué un gonflement général de l’activité (Chiffre d’affaires, indices boursiers) et de la taille des bilans, alors même que les capitaux propres de ces mêmes entreprises n’ont que faiblement variés.
Concernant les ménages,‘cet endettement à joué un rôle majeur dans la constitution et l’orientation de l’épargne’. ‘La valeur du patrimoine moyen est passée en France selon l’INSEE de 4.4 années de revenu brut disponible sur la période 1978-1997 à 7.5 années en 2007’. ‘Dans le même temps,[..] les ménages ont réduit la part liquide de leurs actifs financiers de 45 à 20% entre 1978 et 2007’. Le patrimoine financier en particulier et l’enrichissement des ménages en général (comprenant l’immobilier) progresse dans la plupart des pays plus rapidement que le PIB. Autrement dit, les ménages sont plus riches aujourd’hui qu’il ya 10 ou 30 ans grâce à là hausse de valeur de leur patrimoine, alors que leurs revenus (pensions et salaires) stagnent.
‘L’épargne complémentaire a largement incité les banques, [..], à accroître leur distribution de prêts et à imaginer de nouveaux produits pour les refinancer, en intégrant des composantes apparemment sans risques, comme les subprimes, pour améliorer le rendement des placements face à la concurrence’
La croissance du patrimoine, mesuré en pourcentage du revenu net disponible, augmente d’année en année dans les pays riches, traduisant le souci des populations de couvrir leurs besoins futurs, notamment de retraites, avec l’allongement des durées de vie. Le basculement d’économie d’entrepreneurs pour lesquels la monnaie doit servir à créer des richesses immédiates, vers des économies ou la rente financière prend un rôle croissant, éclaire la mutation profonde du concept de monnaie et du rôle des actifs dont les échanges ont été fluidifiés par les mécanisme de titrisation’

2     Titrisation et perte de contrôle sur une nouvelle monnaie
 ‘Le 15 août 1971, le métal cesse d’être un référence universelle et la valeur de la monnaie trouve désormais son unique source dans les échanges immédiats ou les crédits. La valeur du crédit, équivalent nominal de la monnaie, se justifie désormais soit par la production disponible de la nation concernée, soit par la capacité de l’état émetteur à équilibrer ses comptes’
‘La monnaie avait changé de nature’
‘Le mécanisme de création monétaire est un acte mettant en relation un agent financier ou non,[..], et une institution disposant d’un pouvoir monétaire, c'est-à-dire émettant une créance sur elle-même qui sera acceptée comme moyen de paiement’
Parallèlement, à partir de 1971 avec le Nasdaq, on voit apparaître de nombreux marchés électroniques peu réglementés, ayant un effet de ‘fractionnement’ sur les marchés, et sur lesquels les volumes échangés ne vont cesser de croître, particulièrement au cours de la dernière décennie (2000-2010) :’Les seuls index des principaux marchés de matières premières (DJ, S&P, SP) est passé de 13 milliards de dollars fin 2003 à 260 milliards en mars 2008 !’.
La boucle est bouclée quand à la fin des années 90 apparaissent les CDS, contrats de garantie d’échanges fiduciaires qui assurent la garantie des bilans des opérateurs financiers et de leurs engagements. ‘Un système nouveau s’était construit de lui-même, sans rapport nécessaire avec l’économie dite réelle.[..]. A l’instar des banques centrales qui certifient le caractère libératoire de la monnaie, les CDS assurent la garantie des titres échangés, ce qui confère à leur émetteur un pouvoir d’émission comparable à celui des banques centrales’. Pour mémoire, fin 2007, l’encours des CDS dépassait le PIB mondial à 62 trillions de dollars, il n’est ‘plus’ aujourd’hui que de 28 trillions.
‘Le développement des marchés financiers à ouvert aux agents économiques la possibilité de se financer auprès d’autres sources que les banques, éventuellement en dehors de leur zone monétaire.[..] Ce phénomène de désintermédiation permet aux entreprises de ne plus passer par les canaux bancaires traditionnels pour se financer ou faire transiter leur paiement’
 ‘Or en quelques années, les volumes de ces financements désintermédiés, [..]ont significativement dépassé ceux qui sont issu de la création monétaire, et ne sont pas comptabilisés dans la masse monétaire [..] Plus récemment, la titrisation a permis de diffuser des titres de financements interchangeables, en volumes considérables, en offrant la faculté de transformer toute forme d’actif en produit financier’
Au final, la désintermédiation commencée en 1984 sous Reagan aux Etats-Unis et en 1985 en Europe a abouti a ce que 75% de l’économie des Etats-Unis soient financés hors système bancaire régulé et seulement 25% en Europe (absence de fonds de pension)’
La titrisation a définitivement fait exploser les limites conceptuelles de la monnaie, en fluidifiant la frontière entre biens réels et actifs liquides […] le financement du système américain par les investisseurs (les non-banques) s’élevait à 72 trillions de dollars à la veille de la crise, soit 5 fois le PIB américain. Ces rachats ont grandement disparu de la visibilité des banques centrales alors que l’emprunteur ultime existait bien.
‘Ainsi, du fait de la financiarisation de la monnaie, et surtout de la dérégulation de l’économie, il n’est plus possible de distinguer clairement et de manière justifiée la monnaie du pouvoir centrale d’autres valeurs d’échanges’
A ce stade les auteurs envisagent une solution au problème de non maîtrise de la masse monétaire réelle en circulation par les autorités au premier rang desquelles les banques centrales.
Les bilans comme les patrimoines doivent désormais être considérés dans leur expression monétaire. Il s’agit en effet d’actifs et de passifs échangeables donc de monnaie.[..].Le concept de masse monétaire doit être étendu à tous les actifs et passifs contractuels émis par une entreprise’
Je  suis totalement d’accord avec cette analyse, mais ce vœu d’inclure les bilans dans les patrimoines et les bilans dans la masse monétaire montrerait de facto que nous venons de subir une inflation bien plus importante que celle qu’on nous annonce depuis 20 ans, et particulièrement depuis 10 ans (ce qu’illustre bien la perte de pouvoir d’achat en nourriture et en logement). Les autorités monétaires n’auraient pas d’autre choix que d’augmenter les taux ce qui effectivement est une mesure saine dans une phase d’inflation : il faudrait pour cela accepter de retirer leur ‘poule aux œufs d’or’ aux banques (c’est à dire les taux quasi nuls). Or l’expérience de la crise montre bien que les autorités politiques et monétaires n’imaginent pas pénaliser les banques. Au contraire, on a même changé les règles comptables pour les sauver (cf introduction et plus avant).                              
J’en suis malheureux, mais c’est un fait. En attendant, les agrégats monétaires type M3 ou M4 suivis par les banquiers centraux ne représentent plus rien, les auteurs de l’ouvrage étudiés proposent  des nouveaux agrégats étendus aux bilans. Je vote pour, mais  j’ai peu d’espoir.
En théorie économique classique, dont nos dirigeants actuels, et notamment les gouverneurs des banques centrales sont adeptes, ‘il n’y a pas de corrélation entre le niveau directe du patrimoine, qui a significativement progressé dans les pays développés, et celui de la masse monétaire.[..]L’accroissement du patrimoine, qui n’est pas un phénomène monétaire, n’a pas d’impact. Mais ceci devient faux le jour ou les agents économiques liquéfient leur patrimoine, par endettement ou titrisation, d’où l’importance du suivi de l’épargne et de sa nature.’
Cette analyse apporte une réponse à la ‘dé-corrélation entre la forte progression de la masse monétaire et l’absence d’inflation’.’La vision plus globale fournie par le suivi du patrimoine des entreprises qui a fortement augmenté, nous éclaire sur le fait que cette inflation des actifs, rendue possible par l’accroissement de la dette réelle de l’économie, a alimenté la consommation des ménages sans altérer leur revenu disponible. Cette inflation des actifs, que les économistes n’ont pas voulu appeler inflation en raison des dogmes monétaires que les banques centrales étaient chargés de surveiller, résulte d’une circulation monétaire accélérée par les techniques nouvelles de titrisation et de garantie s’appliquant sur un champ beaucoup plus vaste’ 
Le développement de l’ingénierie financière et des marchés de capitaux a fondamentalement modifié la structure de l’économie depuis vingt ans. Historiquement source quasi unique de crédit, les banques commerciales ont été progressivement supplantés par les institutions de marché, notamment au travers de la titrisation. Aux Etats-Unis, les acteurs les plus actifs sur ces marchés ont été les institutions de marché dont le total des actifs dépassait celui des institutions bancaires au deuxième trimestre 2007 (17.6 trillions de dollars contre 12.6 pour les institutions bancaires)
Avec la titrisation, le financement d’infrastructure lourdes, ferroviaires ou maritimes, d’avions se trouvait facilité dans le contexte de réduction du champ d’intervention des états. Le financement industriel était allégé par la cession de créances dont la gestion pouvait même être déléguée. Le financement bancaire était augmenté par la cession de portefeuille de crédits et la libération des capitaux propres mis en regard’
Le phénomène de la titrisation a été ‘boosté’ par l’apparition des CDS. Ces contrats garantissant le défaut d’un tiers, ils offrent ‘l’avantage fondamental de permettre une coupure totale entre cédant et cessionnaire, [..], et de rendre les produits titrisés extrêmement liquides puisqu’ils bénéficient comme la monnaie d’une garantie supérieure (Etat ou marché)’
Forts de toutes ces garanties (Fanny et Freddy pour les particuliers), les dettes se sont diversifiées, ont vu leur durée s’allonger, et leur prix baisser.
L’histoire a montré qu’en cas de crise grave, les émetteurs de ces garanties ne pouvaient honorer leurs engagements qu’avec l’aide  explicite des états, ce qui semble  logique pour les agences type Freddy ou Fanny qui s’apparentaient déjà à des organismes publics, mais qui est beaucoup plus contestables dans le cadre des CDS émis par AIG, et réglés au final par le contribuable américain.
A ce stade, comment également ne pas remettre en cause la légitimité des agences de notation américaines (Moody’s, S & P, Fitch), qui influencent massivement le marché par les notes qu’elles  octroient, et qui n’ont pas plus que les banques centrales ou les normalisateurs comptables anticipé la crise (comme le montre le cas de Lehman dont la note était encore à A 2 mois avant sa faillite..).

3     Mélange toxique entre titrisation et norme comptable de la ‘juste valeur’
La norme IAS 39 a été adoptée en Europe en décembre 1998 avec prise d’effet au premier janvier 2001 ; elle ne rentre dans le référentiel normatif américain qu’en 2007 avec l’adoption le 15 septembre 2006 du standard FAS n°157.
Ces normes concernent les instruments financiers, c'est-à-dire les valeurs mobilières, et tout titre susceptible de négociation sur un marché financier. Ces méthodes d’évaluations s’opposent au principe du coût historique et aussi au principe de prudence ; elle a un effet procyclique. Mais dans l’esprit des normalisateurs, elle donnait une meilleure image de la réalité économique des comptes.
Avec les signes avant coureurs de la crise, un doute s’est progressivement instauré sur la pertinence des bilans bancaires en général et de tout bilan incluant des valorisations au prix du marché comme il est prévu par les normes IAS n°39 et SFAS n°157 en norme US GAAP.[..]. Ces comptes ne permettaient nullement à un lecteur d’apprécier les risques de liquidité et de valeur des actifs’
‘Nous avons déjà indiqué comment les banquiers avaient développé les instruments contractuels pour le financement ou le refinancement de tout type d’investissement ou de consommation, les MBS ABS ou CDO.[..]Ils ont enfin encouragé la comptabilisation de ces instruments à la valeur de marché’
Or l’erreur majeure de cette valorisation en juste valeur permise par les normes mentionnées ci-dessus repose sur une hypothèse de liquidité parfaite à tout moment des instruments valorisés.
Les auteurs retiennent la définition suivante pour la liquidité :
Un actif procure de la liquidité à une entreprise si celle-ci peut l’utiliser comme réserve en cas d’urgence, […], l’actif ne doit néanmoins pas perdre de sa valeur ou moment ou l’entreprise a besoin de fonds. A cet égard, le bon du Trésor se distingue de l’indice boursier ou du portefeuille hypothécaire en ce qu’il ne perd pas de valeur pendant une récession industrielle ou financière’
Tout le monde aujourd’hui reconnaît que c’était une erreur de valoriser tous les portefeuilles de titrisation en juste valeur. Néanmoins, pendant les premières années, cette valorisation à permis aux banques de générer des profits sur ces portefeuilles (qui apparaissaient souvent hors bilan dans des structures ad-hoc, dites SPV), grâce à la baisse des taux.
‘A la fin du processus, toutes chose égale par ailleurs, le système ne peut survivre à un PIB constant que soutenu par une baisse des taux.[..].La baisse des taux encourage les réévaluations d’autant plus facilement que les valeurs comptabilisées ne sont plus liées à la valeur des biens sous-jacents du fait de la norme. La chute n’est dès lors qu’une question de temps. A un instant donné, l’opérateur de marché estimera que les valeurs dans les comptes bancaires et dans les fonds alternatifs sont décalées par rapport à la valeur des gages. La suspension de ses interventions déclenchera immédiatement la disparition de liquidité’
On connaît la suite, la chute de liquidité sur les marchés des CDO et autres MBS déclenchent une chute vertigineuse de ces marchés, et des pertes de valeurs d’actifs abyssales pour les agents économiques les détenant en gage (essentiellement les banques). Si la norme comptable de la juste valeur avait perduré, un nombre important de banques et d’assurances se retrouvaient en situation de capitaux propres négatifs, c'est-à-dire de faillite. C’est à ce moment là que la norme comptable ‘décroche’.
‘L’arrêt des comptes du 30 septembre 2008 en plein milieu de la crise financière a rendue impossible la valorisation des portefeuilles de valeurs mobilières et des contrats si ce n’est à des valeurs de déroute qui auraient balayé le système financier’
Le 30 Septembre 2008, la SEC et le FASB assouplissaient la règle comptable imposant d’évaluer les instruments financiers dans les bilans à leur valeur de marché et autorisaient le passage au mark to model. Le 15 octobre, le règlement CE 1004-2008 relatif à l’IAS n°39 et l’IFRS n°7 autorisait lui aussi le reclassement des instruments financiers ne faisant pas l’objet d’un marché actif et donc devenus impossibles à valoriser [..]les normes imposent aux entreprises pour l’évaluation de leurs actifs des valeurs qui ne sont pas celles de leurs décisions économiques [..] Cette forme de collectivisation des entreprises au sein d’un système macroéconomique global, aurait pu entrainer une cascade de faillites en chaîne du fait de la chute brutale des valeurs de marché dans les bilans des banques et des assurances à l’automne 2008. Heureusement, le 15 Octobre 2008, sous la pression des gouvernements, la norme comptable a été décrochée’
Mais ce ‘décrochage’ ne constitue aucunement la panacée, et ne fait que repousser un mal profond. En effet, les entreprises possédant des portefeuilles titrisés de créances hypothécaires (principalement les banques et les assurances) ont réduit de fait leur solvabilité en compensant des gains incertains issus de la revalorisation de leurs portefeuilles avant la crise, avec des engagements certains, correspondant  à de nouveaux investissements. C’est ce qui s’exprime dans le gonflement de la taille des bilans bancaires et de l’endettement brut total.
Le ‘gommage’ apparent de leur perte ne fait que repousser sur la durée des créances pourries au lieu de les comptabiliser au jour J.
‘Garantie et titrisation trouvent leur origine dans la création préalable d’une dette. Celle-ci est vertueuse si elle est destinée à financer des investissements créateurs de richesse’
Si la titrisation en elle-même corresponds à un progrès économique en permettant une circulation monétaire plus sécurisée et plus rapide, les auteurs reconnaissent aussi que ‘les marchés de créances titrisées portent essentiellement sur le financement immobilier (mortgage backed securities)’.
Or  un investissement immobilier n’est a priori pas créateur de richesse au sens des gains de productivité ; on arrive au constat suivant : ‘La juste valeur a bénéficié du fait que les acteurs du monde financier ont voulu croie à un enrichissement par des valeurs de marché croissantes alors que ces dernières n’étaient liées qu’à des variations de taux ou à une spéculation et non à des gains de productivité’.
‘La juste valeur va généraliser l’effet de prix et c’est à ce titre qu’elle est monétaire. Elle a un effet directeur, celui des marchés, de même nature que celui des décisions d’une banque centrale. C’est un monde inversé’

4     Et maintenant ?
Les auteurs de cet ouvrage fondateur de ‘la monnaie virtuelle qui nous fait vivre’ font une analyse très fine de la situation économique mondiale actuelle. Ils identifient l’explosion de l’endettement concomitante à la baisse continue des taux d’intérêts depuis 30 ans, comme la matière première du développement des outils de titrisation. Ces derniers outils n’ont fait que prendre de la valeur de marché et ont gonflé les bilans des institutions de marchés et des banques. Ces surplus de valeurs ont été ‘monétisés’ ou monétarisés à outrance, sans regard avec l’évolution des capitaux propres des institutions les portant à leurs actifs.
‘Les agents économiques ont compris que les mécanismes de titrisation sans recours, les contrats d’assurance contre les défaillances CDS et les règles d’information financière dans un petit monde de professionnel du droit et de la comptabilité ne créaient pas une réalité. Ils ne pouvaient contourner cette absence de la dette et de l’absence de capitaux propres suffisants des banques, compte tenu de la vitesse de circulation des actifs et de la fragilité des valeurs constituées par les gages.[..]. Les activités bancaires n’ont été sauvées que par la réactivité des autorités politiques, en dépit des contestations de certains sur le bien –fondé de cette intervention (soit pour des raisons de protection d’intérêts particuliers, soit par philosophie politique).’
Je confirme, je me classe dans les opposants pour ‘philosophie politique’, je pense que la démocratie et la république ont plus à gagner dans une remise à sec du système que dans son maintien à flot.
‘Pour maintenir la valeur des contrats adossés aux prêts immobiliers résidentiels, il convenait à la fois de garantir à la fois les lignes interbancaires et les obligations des grands émetteur, mais aussi les divers véhicules juridiques (conduits, spv) dans lesquels les créances étaient placées. Ces garanties relevaient largement d’un droit contractuel naissant (CDS contrat ISDA) dont de nombreux banquiers connaissaient les limites. La défaillance morale des responsables des centres financiers et de leur régulation à l’égard du public est patente, mais trop d’intérêts étaient en jeu pour que seuls les inconscients le disent publiquement. Les normalisateurs comptables ont été entraînés dans cette voie critiquée[..]Comment apprécier correctement le montant de l’exigible figurant dans les comptes des entreprises concernées ? [..] Cette sous estimation du risque et le décalage dans le temps entre prime et survenance de l’évènement déclenchant conduit à d’immenses spéculations sur tous les marchés financiers liés à la liquidité’
‘Le système est donc devenu fragile à tous les niveaux, depuis l’emprunteur originel jusqu’à l’institution qui concentre les engagements’
Les auteurs légitiment le sauvetage des banques à plusieurs reprises :
‘Il est clair que sans le soutien des banques centrales, la contraction des crédits aurait été plus significative, et aurait pu entraîner une récession profonde’
‘Il n’est pas nécessaire de détailler le fait que sans l’intervention des états après le coup de tonnerre de la faillite de Lehman, l’ensemble du système économique et financier aurait sombré’
Ils  n’en demeurent pas moins lucides sur le fait que l’essence des problèmes n’a pas été résolu.
‘La partie non comptabilisée de la dette des agences de garantie et la dette directe de l’état subsiste et s’est accrue avec désormais l’anticipation de sa croissance inexorable’
‘ A l’échelle de l’entreprise, il paraît également difficile de mesurer les contractions en valeur. Une transformation tectonique s’est produit, et la compréhension de ses conséquences reste limitée’
Les auteurs font ici référence au changement de norme comptable, qui s’il a permis la faillite immédiate, n’a fait que reporter des pertes potentiellement colossales dans le temps.
‘De part et d’autre de l’atlantique, le rebond de l’économie repose encore sur les plans de relance.[..].Les données sur la diversité des actifs en cause, leur contraction en valeur, leur dispersion géographique, n’est pas vraiment connue
‘Le chiffre des provisions comptabilisés par les banques s’élèverait au total de par le monde à 1.7 trillions de dollars, sans que l’on puisse déterminer à quoi elles se réfèrent en base, durée, et quelles en sont les causes économiques et juridiques’
La notion du temps et de son traitement en comptabilité sont en effet cruciaux et les auteurs y consacrent une analyse détaillée ; Au-delà du risque de non remboursement dépendant de la contrepartie et de la durée,  ils notent entre autre chose qu’un flux financier attendu n’a pas la même valeur selon que l’entreprise en ait besoin ou pas.
Les auteurs proposent la aussi des réformes comptables pleines de bon sens, pour une meilleure prise en compte des écarts de valeur entre coût historique et juste valeur, notamment au regard d’une réévaluation fondée sur des valeurs liquides et assimilées (bons du trésor).
Mais ils reconnaissent eux-mêmes que les pratiques actuelles restent dangereuses, notamment la pratique répandue de ‘window dressing’ pratiquée en fin d’année par les entreprises, et consistant pour ces dernières à améliorer leur bilan en acceptant souvent des taux exorbitants dans l’encaissement de leur compte client par exemple.
Au final quel est le résultat du maintien  des banques sous ‘respiration artificielle’ ? Je diffère ici en pensée de la conclusion des auteurs et pense que la faillite des banques , au moins pour leur composante banque d’investissement n’aurait pas été si catastrophique pour l’économie dans son ensemble. Mieux, en laissant faire la contraction de valeurs des actifs notamment immobilier et alimentaires, on aurait redonné du pouvoir d’achat aux salaires.C’est ma grande théorie depuis toujours, les quelques lecteurs assidus de mon blog le savent (laissez moi rêver que j’ai des lecteurs assidus J)
Les auteurs de ce fantastique ouvrage reconnaissent d’ailleurs l’absurdité du fait que les banques, qui ont largement profité de la surévaluation momentanée des créances, notamment immobilières, bénéficient aujourd’hui en retour des déséquilibres résultant de la baisse des valeurs actives correspondantes à ces créances.
Ainsi, les taux bonifiés par les politiques monétaires, [..], sont destinés à soutenir les entreprises endettés aux capitaux propres insuffisants, pour certaines d’entre elles proche de la faillite. [..]Il en résulte des atteintes au droit de la concurrence’  
Les entreprises visées sont principalement les banques.
‘Dans un contexte dépressif, un accroissement des flux d’exploitation est exclue, sauf pour les banques de transformation dopées par la faiblesse des taux de refinancement’
Mieux encore ;
‘Dans ce scenario en cours, la dette des agents économiques ne peut qu’être reprise et portée progressivement par les Etats, d’autant qu’ils deviennent transformateurs monétaires du fait, pour les mieux notés d’entre eux, du taux très faible de leur dette’
Tout est dit, cela correspond à la réalité, pourquoi laisser autant de pouvoir aux banques, alors qu’elles plombent par leurs pertes les finances publiques ? La question se pose du pouvoir politique des banques à travers leur taille et leur concentration excessives.
‘Les dirigeants politiques ne maîtrisent plus les conséquences de phénomènes qu’ils ont laissé sortir de leur contrôle de souveraineté. Tous ont profité de la globalisation et de la création monétaire incontrôlée’
‘La dette privée à l’origine de la déroute est transformée en une dette publique’
‘JP Morgan, Goldman Sachs, Morgan Stanley, Deutsche Bank et Barclays, sont contrepartie de près de la moitié du marché des CDS. La BCE souligne que cette concentration que la crise a accrue augmente le risque de perte de liquidité en cas de nouvelle faillite’
‘Il faut souligner à ce stade la concentration du système de contrôle et de validation des comptes réalisés sur les agents économiques puisque les plus grands cabinets d’audit, surnommés big four, (Price Waterhouse Coopers, KPMG, Ernst & Young, Deloitte), chacun employant entre 135000 et 165000 collaborateurs certifient la conformité de près de 95% des comptes des entreprises faisant appel public à l’épargne.’
Cette concentration des banques d’une part, et des organismes censés les contrôler d’autre part ne fait que renforcer les risques de conflits d’intérêt, d’autant plus que les certificateurs sont payés par les entreprises qu’elles certifient.
Même les auteurs avouent ‘Tout porte à croire que les Etats ont été dépassés par la généralisation brutale de l’ordre marchand et la financiarisation de l’économie’.
A ce stade , je suis obligé de noter que la préface de cet ouvrage est signée par Mme Christine Lagarde, ministre actuel  de l’économie et des finances, elle site même des sages chinois qui prédisaient déjà il y a plus de 2000 ans que ‘ la monnaie comme moyen universel d'échange ne procure plus aucun avantage quand les spéculateurs s'en accaparent’.

Doit on comprendre que Mme Lagarde adhère aux démonstrations de l'ouvrage, et reconnaît une inflation niée jusque là et une politique monétaire qui profite avant tout aux banques? Elle est bien placée pour prendre des mesures, ou au moins pour se faire entendre. Que notre ministre assume cette préface et qu'elle aille plus avant dans le sens des auteurs!
‘Il est paradoxal de constater que les activités de marché des banques ont atteint en 2009 des niveaux de rentabilité inégalés, ce qui explique le montant de bonus encore très élevé distribué’
‘La concentration et l’ampleur des masses sous gestion contribue à l’explosion des bonus, faussement légitimés par la taille des bilans et des flux’
‘L’utilité économique d’une rotation accélérée des instruments financiers reste encore à déterminer. [..].Le fractionnement des marchés et la concurrence n’ont pas permis de réduire le coût du capital des émetteurs’
 ‘L’intervention systématique des états et la garantie des dépôts bancaires ne peuvent pas constituer la base d’un système financier équilibré’.
‘Si les structure du système bancaire et monétaire ne se sont pas effondrées, rien n’a été véritablement résolu et décidé pour en traiter les causes.[..]. D’autres traitements ont des effets toxiques à plus long terme, qui viendront s’ajouter à la gravité du constat. C’est d’abord la politique monétaire des taux bas qui ne traite pas les causes structurelles de la crise, et retarde les ajustements nécessaires. C’est ensuite, en l’absence de contraintes règlementaires fortes, le comportement des établissements financiers dans un contexte de crédits raréfiés et de concurrence quasi inexistante’ .


mercredi 19 janvier 2011

Quelques chiffres clefs (1 Trillion = 1000 milliards)

PIB Mondial:  57 T $ source FMI

Dette extérieure nette américaine :13.5 T $  source Société générale

Commerce mondial en 2009 :12 T $   (7.3 en 2003 et 3.6 en 1993) source OMC                                 

Richesse nette mondiale  en 2009: 200 T $ source Crédit Suisse (cf lien zerohedge.com)
          

 Masse financière globale estimée en Octobre 2008 400 T $    
   (source article du‘guardian’ publié par Paddy Allen le 29/01/2009).
Ventilation des 400 T $ de masse financière
* 290 trillions$ de ‘bulle d’actifs’ (dont immobilier)
*60 T $ de système bancaire ‘fantôme’ lié aux garanties contre les défauts : CDS, CDO (ISDA)
*40 T $ de dettes bancaires  (BRI)
*4 T $ de cash et or.

Ces chiffres sont cohérents avec l’estimation de richesse nette mondiale de CS :
290 T d’actifs -100 T de dettes (garantie bancaires et ISDA) + 4 T Cash  = 194 T

Encours des CDS fin 2007: 62 T $ ;  mi 2010 :28 T $
 Encours des swaps de taux fin 2007:620 T$ ; mi 2010 :270 T $.
Encours de la totalité des dérivés (actions-crédit-taux) mi 2010 : 470 T $ ( ISDA)

Injection de nouvelles liquidités par les banques centrales depuis la crise 1.9 T $